Dans ce deuxième article, je vais aborder la communication, la distribution et la vente. Trois sujets en réalité, donc, mais dont je vais t’expliquer le lien.
En effet, une autre raison qui peut expliquer qu’un roman ne se vende pas, c’est qu’il n’est pas distribué.
Traditionnellement, la distribution est le maillon de la chaîne du livre qui permet aux ouvrages d’être vendus en librairie ou, pour certains, en supermarché, en pharmacie, etc.
La distribution a toujours été le nerf de l’industrie du livre. Toutefois, un changement de taille s’est opéré depuis une quinzaine d’années.
Un changement qui a permis l’essor de l’autoédition et de la micro-édition comme voie professionnelle viable, là où, précédemment, l’impossibilité d’avoir accès à la distribution les condamnait à l’insignifiance.
Ce changement, c’est Amazon et le livre numérique. Désormais, n’importe qui peut être distribué et vendu dans l’un des plus gros magasins du monde, sans condition ni investissement initial.
Il n’y a d’ailleurs pas qu’Amazon qui permet cet accès direct aux acheteurs, mais je vais me concentrer sur cette plateforme, parce qu’il s’agit du leader du marché, et pas par hasard. Cette compagnie a révolutionné l’art de vendre des livres.
Et pourtant, trop d’auteur·ices croient encore que c’est leur job de vendre leurs livres. Que personne ou presque n’achètera leurs livres s’iels ne communiquent pas dessus, ne s’agitent pas sur les réseaux sociaux, n’ont pas de site Web, etc.
(Au passage, traditionnellement, ce n’est pas non plus la job des maisons d’édition que de vendre les livres qu’elles éditent. C’est celle de la compagnie de diffusion avec laquelle elles font affaire, dont le rôle est de placer les livres chez les libraires et autres lieux de vente; et, bien sûr, c’est celle des libraires et autres vendeurs de livres, comme leur nom l’indique.)
Leur inquiétude à l’idée de « ne pas savoir communiquer », « ne pas obtenir de réactions à leurs posts », de « ne pas avoir le temps de publier sans cesse sur les réseaux sociaux », ou encore « pas d’idée de quoi écrire dans une newsletter » dit tout. Pourquoi cela les inquièterait-il, s’iels ne pensaient pas que c’était important?
Et si je te disais que ça ne l’était pas tant que ça? Qu’une mauvaise comm’ ou même une absence de comm’ de la part de l’auteur·ice n’est jamais la vraie raison pour laquelle un livre ne se vend pas? Que tu n’es pas obligé·e de vendre toi-même ton livre…
… parce que, si ton livre est sur Amazon, Amazon le vendra pour toi. C’est leur boulot, et ils ont bâti un empire à le faire avec succès. C’est juste du réalisme élémentaire que d’affirmer qu’à côté, tu ne fais sans doute pas le poids.
C’est tout un état d’esprit qu’il faut déconstruire chez la plupart des auteur·ices : arrête de travailler pour faire gagner plus d’argent à Amazon. Laisse Amazon travailler pour toi. Tu leur paies bien une commission, non? Ce n’est pas juste pour héberger un fichier et gérer une transaction. C’est d’abord pour leur incroyable force de frappe.
Si ce n’était pas le cas, tu vendrais tes ebooks directement sur ton site, sur ta propre boutique, et tu te ferais encore plus de marge. Mais quiconque a essayé sait à quel point c’est difficile. Parce que ce n’est pas ta comm’ qui vend la plupart de tes livres. C’est la comm’ d’Amazon, mais aussi toute leur infrastructure, leur réputation, leur algorithme complexe, leurs techniques de vente sans cesse raffinées par le million de données auquel ils ont accès.
(Et je ne dis pas que la façon de faire d’Amazon est la seule façon possible ou la meilleure, au fait; juste qu’elle a prouvé son efficacité.)
J’ai conscience d’aller à l’encontre du discours dominant en défendant cette position, alors je vais prendre la peine d’entrer davantage dans les détails.
Selon David Gaughran, un markéteur de métier devenu auteur autoédité, il y aurait en tout temps, sur le site d’Amazon seul, des millions d’emplacements correspondant à des mises en avant de livres individuels. Il n’y a pas que le top 100 Kindle, loin de là. Et c’est sans compter tous les emails et les suggestions directement sur leur liseuse qu’Amazon envoie à ses clients. (Source : Strangers to Superfans.)
En d’autres termes, Amazon ne lésine pas sur les moyens de promouvoir nos livres. Si tu mets ton livre en vente sur Amazon, Amazon essaiera de le vendre. Garanti.
La nouveauté radicale du modèle, c’est que la force de vente d’Amazon n’est plus humaine. Elle est désormais régie par un robot. Et un robot n’a pas d’émotions ni de préférences; il ne lit que les données.
Amazon ne pensera jamais : « Je vais continuer à promouvoir gratuitement les livres de tel auteur même s’ils ne se vendent pas, juste parce que je l’aime bien et que j’ai envie de lui donner un coup de pouce, ou parce que j’estime qu’il le mérite. » Non.
Si Amazon montre ton livre à des acheteurs potentiels et que ceux-ci ne passent pas immédiatement à la caisse, il en déduira que ton livre n’intéresse pas les foules et évitera de le montrer à ses prochains visiteurs. C’est sans appel. À l’inverse, s’il s’aperçoit que le livre suscite des achats, il va lui donner de plus en plus de visibilité.
Voilà pourquoi le simple relooking d’un ancien titre qui s’est mal vendu ne suffit pas à inverser la vapeur. Parce que ce titre a encore à son dossier la note d’Amazon qui dit, en gros, « ai tenté de le vendre, sans résultat; ne plus le mettre en avant ».
Et maintenant, je vais répondre aux objections : si ce que je dis est vrai, pourquoi tant d’auteur·ices à succès et expert·es en marketing nous serinent que la communication (notamment sur les réseaux sociaux) fonctionne pour elleux, que l’on ne peut ou ne devrait pas s’en passer?
J’ai une réponse en trois parties :
- les variables confondantes,
- le seuil critique,
- le contexte.
Les variables confondantes, c’est lorsque plusieurs paramètres, mettons A et B, interviennent dans un phénomène, et qu’il devient donc impossible de déterminer l’influence individuelle de chaque paramètre. On peut alors se tromper de cause, et amplifier à tort l’impact de A par rapport à celui de B.
Ainsi, je peux te certifier que telle autrice à succès qui est aussi une as de la comm’ n’a pas réussi juste grâce à sa comm’, ni même principalement grâce à sa comm’. Elle a avant tout écrit un bon livre, l’a markété de la bonne façon, a peut-être même réussi à profiter d’un sous-genre à la mode… et Amazon a fait le reste.
Du moins, dans un premier temps. Je ne prétends pas que sa comm’ n’a servi à rien… mais elle n’a pas servi à ce que tu penses (à créer de toutes pièces son premier bestseller).
Ensuite, il y a la question du seuil critique. Je ne dis pas que toute comm’ est inutile. Seulement, c’est une tactique à très faible impact. C’est-à-dire une tactique qui, en règle générale, ne fonctionne pas très bien, voire pas du tout, pour vendre des livres.
Cela dit, elle va fonctionner pour les cas extrêmes, les exceptions : la petite minorité d’auteur·ices qui excellent à leur propre comm’, qui sortent du lot, que ce soit par leurs compétences et/ou leur personnalité.
Mais la dure réalité, c’est que la majorité des auteur·ices n’ont pas tout à la fois le goût, le talent et le temps de devenir excellent·es en comm’. Voilà pourquoi, même si la comm’ peut très bien fonctionner pour certains auteur·ices, cela ne signifie pas qu’elle est aussi utile, et encore moins nécessaire, au succès de tout le monde.
Enfin, il faut considérer le contexte. Est-ce qu’on parle de vendre ton prochain livre aux fans du dernier? Ou bien de faire découvrir ton livre à des inconnu·es?
En marketing, on parle de public froid ou chaud pour distinguer le lien plus ou moins fort qui unit un client potentiel à une marque ou un produit. Un public froid n’a jamais entendu parler de ta marque ou ne l’a jamais achetée, tandis qu’un public chaud a déjà interagi avec elle.
Je suis loin d’être la seule à avoir observé que la comm’ n’a pas vraiment d’impact sur un public froid. En revanche, je reconnais tout à fait qu’elle peut en avoir sur un public chaud. Pour moi, ton public chaud, ce sont des personnes qui ont non seulement déjà acheté un de tes livres, mais qui l’ont lu et aimé.
Autrement dit, il faut poser le problème à l’envers de ce que font beaucoup d’auteur·ices : il ne s’agit pas de communiquer pour vendre des livres, mais de vendre des livres pour pouvoir ensuite communiquer avec tes lecteur·ices.
À toi, maintenant : peux-tu me citer une chose que tu fais pour ta comm’ ou ta visibilité que tu pourrais arrêter de faire? (Parce que tu n’y prends pas plaisir, que ça te prend trop de temps, que tu n’en vois pas les retombées dans ton compte en banque… Peu importe la raison, elles sont toutes légitimes.)
As-tu aimé cet article? Il s’agit d’une version légèrement remaniée d’une lettre que j’ai envoyée à mes abonné·es en 2023. Si tu aimerais recevoir mes prochaines réflexions dans ta boîte aux lettres, inscris-toi à mon infolettre! (formulaire d’inscription en bas de la page)
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