L’exposition

L’exposition, ce sont toutes les explications qui ne décrivent pas l’action en cours dans ton récit. Ce sont des informations que tes personnages connaissent déjà, mais la lectrice, non; tu te sens donc obligé·e de les lui donner, par peur qu’elle ne comprenne pas ce qui se passe ou n’en saisisse pas tous les enjeux.

Il y a plusieurs types d’exposition. Parmi les plus fréquents, on compte :

  • Expliquer qui sont tes personnages (lorsque les autres personnages sont déjà au courant)
  • Raconter le passé de tes personnages, même une seule anecdote (en anglais, on appelle ça la backstory)
  • Expliquer le fonctionnement de ton univers, même un seul aspect (très fréquent en SFF, mais se rencontre aussi en contemporain, si on aborde un milieu ou domaine peu connu du grand public)
  • Raconter l’histoire de ton univers

L’exposition est le plus souvent fournie sous forme narrative. Elle peut cependant être insérée dans du dialogue… voire dans une description.

Exposition vs description : une description est là pour donner au lecteur des éléments de perception (visuelle, auditive, olfactive etc., mais aussi émotionnelle ou intellectuelle) qui correspondent en principe aux perceptions des personnages au même moment. L’exposition, par contraste, mobilise des souvenirs ou connaissances assimilés par les personnages à une époque passée ou, au contraire, qu’ils ignorent (dans le cas d’un narrateur omniscient).

Trop d’exposition?

L’exposition n’est pas mauvaise en soi. Elle permet effectivement au lecteur de mieux se repérer dans notre récit, de mieux comprendre ce qui se déroule, de mieux s’immerger dans le point de vue de nos personnages.

Mais l’exposition, par définition, coupe ou retarde l’action en cours. Et, peut-être pire encore, trop d’information peut perdre le lecteur. Un peu comme quand on se retrouve face à un guide d’utilisation de 20 pages… ou devant une préface suivie d’une introduction, elle-même suivie d’un prologue… On sait déjà qu’on n’arrivera pas à tout mémoriser en une seule lecture, et on a juste envie que ça démarre, non?

Beaucoup d’auteur·ices débutant·es sous-estiment la capacité des lecteurs à déduire par eux-mêmes les informations importantes pour le récit. En réalité, les lecteurs n’ont pas besoin qu’on leur explique tout. Et surtout pas dès le début du récit.

Laisser planer un peu de mystère est aussi une façon de les amener à tourner les pages. Et peut-être que l’intrigue elle-même répondra aux questions que les lecteurs se posent, sans que le narrateur ait à intervenir pour le faire.

Conseils pratiques

  • Ne commence pas ton roman par un paragraphe ou, pire, un chapitre d’exposition. Commence par de l’action. (Je ne parle pas d’une explosion ou d’une course-poursuite; l’action peut être tranquille et de faible intensité.) Si une réplique ou une réaction d’un personnage nécessite une explication, tu peux la donner à ce moment-là, mais n’anticipe pas un besoin que la lectrice n’éprouve pas encore.
  • Évite les « info-dumps », ces longs passages faits uniquement d’exposition. Essaie au contraire de distiller les explications par petites doses à travers tout le roman. Comme je l’ai dit, le lecteur n’a pas besoin de savoir absolument tout, tout de suite!
  • Attention à la tentation de refourguer l’exposition dans les dialogues, parce que tu as l’impression que ça passera mieux. En général, c’est l’inverse : en plus d’être indigeste, l’exposition dans les dialogues a souvent un côté très artificiel. Parce qu’on ne donne pas à quelqu’un une information qu’il connaît déjà. Les anglophones appellent ça « As you know, Bob » :

« Comme tu le sais, Bob, ma mère est décédée lorsque j’avais quinze ans, et j’ai depuis vécu avec mon beau-père et mon demi-frère, avant de commencer des études de… »

(Justement, si Bob le sait, il n’y a aucune raison de le lui rappeler.)
  • Un dernier truc que je dois à Angela James, une éditrice qui a travaillé pendant dix ans à la tête de Carina Press, une marque éditoriale de Harlequin : repasse sur ton manuscrit en surlignant d’une couleur tous les passages d’exposition, d’une autre couleur les passages où l’action avance, et d’une troisième couleur, les dialogues. Ensuite, réduis la taille de tes pages pour avoir une vision d’ensemble… Et vérifie qu’il n’y a pas trop de la première couleur en comparaison des deux autres!

Si tu t’aperçois que tu dois couper l’exposition…

  • Peut-être ton lectorat n’a-t-il tout simplement pas besoin d’en savoir autant. Demande leur avis à des bêta-lecteur·ices si tu as des doutes. Si tu adores explorer le passé de tes personnages ou les détails de ton univers, sache que tu peux toujours utiliser ces informations dans des documents hors du roman : un glossaire, une carte, un préquel centré sur un épisode du passé d’un personnage, etc. (En plus, sur le plan marketing, ça fait d’excellents contenus à réserver à tes fans, aux abonnés de ton infolettre ou aux contributeurs d’une campagne de sociofinancement!)
  • Peut-être est-ce ta scène qui doit être revue. Essaies-tu d’en dire trop, trop vite? Y a-t-il trop de personnages qui interviennent, alors qu’on ne connaît encore aucun d’entre eux?
  • Certaines explications statiques peuvent aussi être transformées en scènes actives. Ça, c’est un truc très exploité dans les films et les séries TV, puisque la plupart n’ont pas de voix off ou ne peuvent en user qu’avec parcimonie. Par exemple, plutôt que de nous raconter que le héros vit seul avec son chien depuis la mort de sa femme, on va nous montrer une scène où il rentre chez lui, est accueilli par son chien, puis la caméra va se poser sur des photos où on le voit plus jeune avec une femme, l’ambiance va devenir sombre, etc.
    (Mais attention : c’est un truc de scénario et pas de littérature pour une bonne raison. Inutile de nous assommer de petites scènes insignifiantes si tu pourrais à la place nous résumer la situation en quelques lignes… Par contre, ça peut soit s’intégrer à une scène plus significative, soit être utilisé dans le cas où tu ne sais vraiment plus où ni comment caser ton exposition.)

Ressource externe

Too Much Information, un épisode de podcast en anglais d’Anne Hawley, pour Story Grid

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