Le conflit interne

Déjà, qu’est-ce que le conflit? En littérature, on parle de conflit dès qu’un personnage veut quelque chose, et rencontre un obstacle qui l’empêche de l’obtenir. Un roman est composé de différents niveaux de conflits, du plus grand (celui qui dure tout le roman et n’est résolu qu’à la fin) au plus petit (chaque scène devrait présenter un élément de conflit).

Le conflit est dit « interne » lorsque l’obstacle rencontré est interne : il peut être relatif à une peur, une croyance ou une valeur du personnage. Par exemple, l’héroïne rêve de tenter sa chance à Hollywood, mais sa mère est malade, et son devoir filial (l’obstacle interne) l’empêche de quitter son chevet.

Le conflit interne est ce qui va servir de levier à l’évolution interne du protagoniste. Car c’est en affrontant les obstacles, en cherchant des solutions créatives et en prenant des risques, que le protagoniste va vivre de nouvelles expériences, apprendre de ses erreurs, découvrir ce qu’il ignorait, etc.

Quel est l’intérêt du conflit interne?

Techniquement, le conflit interne n’est pas obligatoire. Il y a des histoires, y compris parmi les plus célèbres, où le protagoniste n’a pas de conflit interne, juste un conflit externe. Dans ces cas-là, l’histoire est généralement focalisée sur l’action ou sur un mystère à résoudre. Le héros doit alors affronter des obstacles externes difficiles et/ou dangereux, sans que cela crée un conflit en lui.

Pour autant, le conflit interne est l’opportunité de créer une véritable connexion émotionnelle entre ton lectorat et ton protagoniste. Et, dans certains genres, comme la romance, il fait partie des codes, et donc des attentes du lectorat.

D’ailleurs, les scénaristes l’ont bien compris, et même les héros auparavant épargnés par le conflit interne (par exemple James Bond) ont désormais le droit d’évoluer.

Les auteur·ices aussi ont, par conséquent, une tendance naturelle à inclure un conflit interne dans leurs récits. Seulement, ce conflit n’est pas toujours bien géré. Parfois, il est trop faible, peu convaincant. Ou bien il n’est pas assez clair, et change inopinément en cours de route. Ou alors, il n’est présent que dans une partie du roman, au lieu d’aller du début à la fin.

Types de conflit interne

Entrer dans les détails de ce qu’est un conflit interne n’est pas évident, car il en existe de nombreuses sortes. Voici une tentative de les répertorier :

  • La fausse croyance : c’est lorsque l’obstacle auquel fait face ton protagoniste est un préjugé, une croyance qu’il a, mais qui se révèlera fausse. Par exemple : il croit que s’il est lui-même, personne ne l’aimera; il croit que s’il écoute toujours ses parents, rien de mal ne lui arrivera, etc. C’est un type de conflit typique des romans jeunesse ou « coming of age », puisqu’il implique une forme d’ignorance, un manque d’expérience de la part du protagoniste. Il peut aussi être utilisé pour des protagonistes « traumatisés », qui ont connu une expérience si dévastatrice qu’ils l’ont généralisée, et s’en protègent désormais de façon excessive. Cette déclinaison-là est également commune en romance.
  • La tentation : le protagoniste a déjà compris ce qu’il y avait à comprendre, ses croyances sont justes, mais une épreuve inattendue ou d’une intensité insoupçonnée va tester sa conviction et son courage, brouiller ses repères, le faire se remettre en question. Ce type-là se prête bien aux protagonistes plus matures, avec plus d’expérience. Attention! La « tentation » ici est toujours négative (sinon, on est dans le schéma de la fausse croyance). Le protagoniste peut réussir à y résister, ou au contraire y succomber, mais le récit doit clairement exprimer ce qui constitue un succès/une fin satisfaisante ou un échec/une fin tragique.
  • Le moindre des deux maux : ici, on sort du domaine de la croyance; le conflit est lié à un dilemme bien réel. Le protagoniste est forcé de choisir l’une de deux options qu’il aimerait mieux également éviter. C’est par exemple le cas de Katniss dans le premier tome de la série Hunger Games. Aucune des options qu’elle a ne sont jamais idéaux, mais même refuser de faire un choix, c’est un choix en soi. Et, à chaque fois qu’elle choisit, elle acquiert du courage, de l’espoir et de la détermination, jusqu’à ce qu’elle se convainque qu’elle peut affronter et déjouer les plans du Capitole.
  • Les désirs incompatibles : l’envers du type précédent, c’est lorsque le protagoniste a plusieurs désirs et qu’il ne peut en choisir qu’un. Ce type se rencontre fréquemment en littérature féminine et en romance. Dans le premier cas, l’héroïne doit faire le tri entre tout ce qu’elle aimerait être et/ou avoir, et l’histoire consiste pour elle à découvrir et assumer sa priorité. En romance, un autre désir ou un devoir peut entrer en conflit avec le désir d’une relation amoureuse; toutes les romances plus ou moins interdites (enemies to lovers, friends to lovers, certaines romances de bureau, classes sociales opposées, taboues, etc.) présentent ce type-là.

Est-ce qu’un seul personnage peut avoir plusieurs conflits internes?

Oui, mais il doit y en avoir un principal, qui va se déclarer dès le début du roman et que tu vas mener jusqu’au dénouement.

Par exemple, dans une romance, l’héroïne peut hésiter à sortir avec le héros à la fois à cause de circonstances externes qui créent des désirs incompatibles (il est le meilleur ami de son frère et elle ne veut pas créer des tensions entre eux), et à cause d’une fausse croyance (elle manque de confiance en elle et ne croit pas qu’elle peut l’intéresser). Selon que tu vas choisir le premier ou le second conflit comme conflit majeur, l’histoire sera très différente.

Dans le premier cas, son manque de confiance en elle n’est pas forcément très fort; c’est juste une petite gêne qui viendra ajouter de la tension à quelques scènes, peut-être les scènes d’intimité en particulier… Mais l’histoire principale tournera autour de sa relation avec son frère, et de la relation entre son frère et son ami. Pourquoi est-ce si important pour elle de ne pas risquer de gâcher leur amitié? Peut-être que son frère a du mal à se faire des amis, peut-être qu’elle se sent responsable de lui à cause de leur passé, etc.

Dans le second cas, le fait que le héros soit le meilleur ami de son frère ne sera en réalité qu’un prétexte. C’est ce qu’elle se dit pour rationaliser le fait qu’elle n’ose pas assumer ses sentiments. Mais la véritable histoire tournera autour de son manque de confiance en elle et de la façon dont elle va réussir, petit à petit, à le surmonter.

Ajouter différents niveaux de conflit peut ajouter de la profondeur et du réalisme à tes personnages. Néanmoins, tu dois vraiment clarifier pour toi-même quel est ton conflit principal. Si tu essaies d’en traiter plusieurs à la fois, tu risques de te perdre et de perdre le lecteur avec toi.

Ton personnage ne saura pas forcément, surtout au début, quel est son véritable conflit, son véritable obstacle. C’est normal; il a justement tout le roman pour le comprendre. Mais toi, tu dois le savoir et écrire toutes tes scènes (ou presque!) en fonction de lui, à commencer par la scène d’ouverture du roman.

As-tu aimé cet article? Il est tiré d’un PDF que j’ai à l’origine créé pour mes abonné·es. Si tu aimerais recevoir mes prochaines ressources exclusives dans ta boîte aux lettres, inscris-toi à mon infolettre! (formulaire d’inscription en bas de la page)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top